Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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Étonnamment, les bonnes bandes dessinées ayant pour cadre le monde des maisons closes sont plutôt nombreuses, ces derniers temps : du « Cabaret des muses » de Gradimir Smudja à « Chimère(s) 1887 » de Vincent, Melanÿn et Christophe Pelinq (alias Arleston), en passant par la « Miss Pas Touche » de Kerascoët et Hubert et, bien sûr, par cet « Assassin qu’elle mérite » dont le tome 1 avait déjà été salué par la critique (ayant reçu de nombreux prix) et plébiscité par le public.
            Et ce deuxième volume, aussi oppressant qu’émouvant, est peut-être encore meilleur : Wilfrid Lupano a réussi à trouver un ton qui lui est propre et Yannick Corboz a encore affiné son trait de mieux en mieux maîtrisé et si agréable à l’œil.           Depuis qu’il a goûté au stupre et au luxe, Victor, jeune apprenti tailleur de pierre à Vienne, au début du XXème siècle, attire d’énormes ennuis à sa famille. Il veut se venger des hommes qui se sont joués de lui en lui offrant de nombreuses richesses avant de tout reprendre, mais il ne fait qu’accélérer sa lente descente aux enfers : ignorant qu’il n’est que le pari qu’on fait ces riches noceurs de transformer un jeune homme en ennemi de la société… Alors qu’il est traqué par la police, avec son ami Hermann (un ouvrier au chômage qui lui fait partager ses idées antisémites et nauséabondes), il kidnappe une prostituée et fait chanter un juge qui en est éperdument amoureux ; ceci dans le but de faire libérer son père désormais emprisonné, par sa faute…           En donnant une nouvelle facette à son immoral et sombre récit, tout en décortiquant, par petites et subtiles touches, la lente transformation de ce garçon issu du peuple, le scénariste d’« Alim le tanneur » et le dessinateur de « Voies off » ou de « Célestin Gobe-la-lune » signent ici ce qui nous semble être l’une de leurs meilleures séries : certainement parce qu’elle est principalement axée sur une réflexion sociologique et humaniste qui ne peut que nous séduire, mais aussi parce que l’osmose entre les deux auteurs est quasiment parfaite, narrativement parlant…
                        Gilles RATIER
« L’Assassin qu’elle mérite » T2 (« La Fin de l’innocence ») par Yannick Corboz et Wilfrid Lupano
Éditions Vents d’Ouest (13,90 €) – ISBN : 978-2-7493-0631-5